Je viens de recevoir un message me prévenant que le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (depuis 1941) est susceptible de m'attaquer en justice si j'utilise le mot "champagne" dans mes descriptions de bijoux. Grande amatrice (?) de vin de Champagne, je me servais effectivement du mot "Champagne" comme symbole de la vie luxueuse que je vivrais bien volontiers , en buvant plus souvent du Champagne, par exemple, et en portant ce bijou qui comporte un breloque manifestement en forme de coupe à Champagne.
Et ben non !
Je suis forcément une voleuse de droit et d'idées et quelqu'un de bien malhonnête pour voir une différence entre ma description qui utilise les termes appropriés et quelqu'un qui concocte un vin blanc à bulle en RPC et le vend comme du "Shampagne", du "Cahmpagne" ou même carrément du "Champagne".
Je n'existe pas depuis 1941, il est vrai, et pourtant, j'ai toujours bu mes bulles dans des coupes à Champagne (ou des flûtes à Champagne, d'ailleurs), sans guillemets, mais je devrais peut-être me mettre à utiliser des "coupes à méthode champenoise". Et encore. Est-ce bien légal ?...
Le Champagne, j'ai le droit (?) d'en boire, j'ai le droit de le payer (!), mais je n'ai pas le droit d'utiliser le nom de ce liquide pourtant bien spécial et irremplaçable dans mon esprit à moi aussi, pour décrire un objet qui n'a de sens qu'en association avec cette boisson-gazeuse-qui-ne- se-fabrique-en vrai-que-sur-un-seul-terroir-et-seulement-dans-ce-beau-pays-qu'est-la-France.
Ou alors, il va falloir que je revois effectivement mon standing à la hausse et que je m'organise pour nourrir des avocats.
Je ne veux pas sortir les violons et parler de liberté artistique, ni discuter le point en droit. Il ne s'agit que de cette toute petite chose : le sens commun.
Aujourd'hui, je me sens vraiment très particulièrement fière de vivre dans un pays où des milliers de gens crèvent de froid et de faim, où des petits, des sans grade (pas une citation exacte et puis lui, de toute façon il est trop mort pour m'attaquer) se font bouffer la laine sur le dos tous les jours par des parasites spéculateurs et autres patrons voyous, où des grosses entreprises s'engraissent encore en permanence grâce aux idées des autres, et où des gens sont occupés à veiller farouchement à ce que moi, dont le chiffre d'affaire n'est pas même minuscule je n'utilise pas le mot "Champagne" si je ne suis pas en train de vendre du vin de Champagne mais en train de mentionner sur un site commercial un objet usuel (on peut toujours rêver) en rapport indissociable avec le Champagne, pour décrire un bijou qui ne peut en aucun cas se comprendre autrement qu'en rapport avec le Champagne et ne peut aucunement se faire passer pour du Champagne ni entrer en compétition avec ce nectar déposé.
Un sommet du bon goût à la française.
N.B. Bien sûr, j'ai obtempéré.